Le préjudice d’attente et d’inquiétude (parfois qualifié de préjudice « situationnel ») est un poste de préjudice pour les proches de la victime directe, c’est-à-dire un préjudice subi par les victimes par ricochet ou victimes indirectes.

 

Il s’agit de la peur, l’angoisse, développée par les proches d’une victime directe lorsqu’ils apprennent que celle-ci a été impliquée par exemple dans un attentat, une agression (et même un accident en réalité…), et qu’ils attendent les suites, à savoir la survie ou la mort.

 

Pour la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, dans un arrêt du 25 mars 2022 (n° 20-17.072), c’est un préjudice qui existe lorsque : « les proches d’une personne, qui apprennent que celle-ci se trouve ou s’est trouvée exposée, à l’occasion d’un événement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l’incertitude pesant sur son sort… ».

 

La Cour de cassation en déduit que pour les victimes par ricochet ou victimes indirectes, ce préjudice d’attente et d’inquiétude ne se confond pas avec le préjudice d’affection, ni à aucun autre poste de préjudice, mais constitue un « préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome ».

 

Elle juge que : « Ce préjudice, qui se réalise ainsi entre la découverte de l’événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est, par sa nature et son intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement. ».

 

La Cour de cassation, dans son communiqué, explique qu’il n’y a pas de référentiel législatif de réparation des préjudices corporels, mais une nomenclature dite DINTILHAC, qui prévoit une liste de « postes » de préjudice correspondant à des définitions précises de divers préjudices subis par les victimes directes et les victimes par ricochet ou victimes indirectes (les proches).

 

Elle ajoute que suite notamment aux attentats commis en France, des demandes en réparation de préjudices non listés dans cette nomenclature ont vu le jour. Cet arrêt tranche justement un litige entre le Fonds de Garantie et des victimes par ricochet ou victimes indirectes de l’attentat de NICE du 16 juillet 2016 : mais la Cour de cassation va au-delà des seuls attentats.

 

C’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur l’autonomie de ce poste de préjudice d’attente et d’inquiétude des proches (victimes par ricochet ou victimes indirectes).

 

Ce poste de préjudice doit donc être réparé de façon autonome : il y a donc une indemnisation supplémentaire, qui en pratique conduit souvent à une indemnisation plus importante.

 

Dans son communiqué, la Cour de cassation estime qu’il s’agit d’une création d’un nouveau poste de préjudice au sein de la nomenclature DINTILHAC. Ce n’est pas une autonomie, mais une intégration.

 

Le conseiller rapporteur, chargé de faire le point sur l’état du dossier en droit pour que la Cour de cassation se prononce, s’est appuyé sur la doctrine, le rapport DINTILHAC, un rapport de Madame la Professeure PORCHY-SIMON de 2017, le droit comparé, et des décisions de juges du fond dont un arrêt de la Cour d’appel de DIJON qui a reconnu ce poste de préjudice autonome le 2 mars 2021.

 

Cet arrêt du 25 mars 2022 de chambre mixte est promu aux plus hautes publications : Bulletin, Rapport annuel, avec communiqué immédiat de la Cour de cassation et publication du rapport du conseiller.

 

Dans un arrêt du même jour, cette chambre mixte de la Cour de cassation a reconnu que le préjudice d’angoisse de mort imminente est un poste de préjudice autonome et différent des Souffrances Endurées (Cour de cassation, chambre mixte, 25 mars 2022, n° 20-15.624, publié au Bulletin et au Rapport). Pour une analyse détaillée de cet autre arrêt : https://franckpetit.fr/le-prejudice-dangoisse-de-mort-imminente-est-un-poste-de-prejudice-autonome-et-different-des-souffrances-endurees-cour-de-cassation-chambre-mixte-25-mars-2022-n-20-15-624

 

Franck PETIT, Avocat

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel

DU de Réparation juridique du dommage corporel

Chargé de cours de Procédure pénale – indemnisation des victimes, et de Responsabilité et Réparation juridique du dommage corporel, en Master II

Référent Victimes d’Infractions Pénales (VIP) du Barreau de DIJON